Aujourd’hui peu connue, Marcelle Tinayre (Tulle 1870-Paris 1948), fut pourtant une romancière à succès, une figure féministe engagée de la Belle Époque, l’une des premières collaboratrices du quotidien « la Fronde ».

Sa remarquable approche journalistique est traduite dans la fresque humaine de La Veillée des armes parue en 1915. A travers quelques familles d’un quartier parisien, elle dépeint les sentiments de patriotisme et d’exaltation, les nuançant avec ceux de la peur qui tourmentent les différents personnages 48 heures avant la déclaration de guerre.
Si Marcelle Tinayre s’attache à décrire « la couleur vraie et le son juste » qui animent ce microcosme, elle restitue avec réalisme les émotions et interrogations des femmes qui pressentent les souffrances à venir et la mort possible de l’être cher.

Donner des conférences patriotiques dès 1914 ne lui suffit pas ; souhaitant mettre sa plume au service de la France, elle est envoyée en mission officielle par le Service de la propagande à Salonique (Thessalonique) où elle arrive le 29 avril 1916.

De ce séjour de quatre mois près du front d’orient , sans danger pour elle, elle ne verra que des camps militaires, des hôpitaux, des villages détruits. Suivant un programme chargé de visites et cérémonies auprès de la « colonie française » et des alliés, Marcelle Tinayre est fascinée par la dimension cosmopolite de cette vieille cité de Babel qui sera incendiée un an plus tard.
Les lettres que conserve l’Historial de la Grande Guerre de Péronne, adressées à ses parents et à son fils Noël, relatent son existence de « missionnaire » investie dans son devoir de rendre compte de la « très belle œuvre que la France accomplit », mais plus portée sur son rôle de consolatrice auprès des enfants serbes et des réfugiées grecques. De cette escapade estivale, la romancière avouera à ses proches qu’elle savoura le « devoir de beaucoup apprendre » mais aussi combien elle lui procura un grand bonheur, celui de retrouver son amant et de vivre une liberté bien revendiquée.

Cependant, aucun roman ne sera publié : seuls des articles dans La Revue des Deux Mondes (Un été à Salonique, 15 janvier, 1er avril, 1er juin, 1er octobre 1917) et dans L’Illustration (Heures saloniciennes, 15 décembre 1923) feront connaître aux Français ce front d’orient oublié sous forme de fresque exotique.

« J’ai bien travaillé pour moi, tout en travaillant pour le pays et je rapporte mieux que des impressions hâtives. Cela valait la peine de rester, d’étudier et de comprendre (…). J’envoie un article pour l’Illustration et un autre pour Le Journal ».

Lettre de Marcelle Tinayre à Julien Tinayre, 1er septembre 1916, Historial de la Grande Guerre Péronne (N°18528).