Romancier, essayiste, académicien, Georges Duhamel a marqué la vie littéraire de la première moitié du XXème siècle par un témoignage essentiel du drame moral que les deux guerres mondiales ont fait naître.

En 1906, il participe avec quelques amis à la fondation de “l’Abbaye de Créteil”, phalanstère d’amis poètes, tout en menant ses études de sciences. Reçu docteur en médecine en 1909 et travaillant dans un laboratoire, il épouse Blanche Albane, actrice de théatre avec qui il aura trois enfants.

A la déclaration de guerre de 1914, Georges Duhamel s’engage et pendant quatre ans exerce les fonctions de chirurgien, dans des situations souvent très exposées. De cette douloureuse expérience, il tire deux récits qui lui donnent une notoriété immédiate Vie des martyrs et Civilisation , prix Goncourt en 1918, suivis de La possession du monde (1919).

Affecté sur le front de Champagne en 1914 et 1915, témoin lucide de l’enfer vécu par les soldats, il s’interroge sur la notion de civilisation. Il fait part à Blanche dans une lettre du 4 juillet 1915 de la nécessité qu’elle soit dans le coeur des hommes : “pour moi, je ne cesse de me repéter que l’on a fait l’erreur sur le sens e tla portée du mot civilisation. Cette guerre est le résultat normal d’une civilisation comme celle que nous nous vantons tant de posséder et de développer.” Cette lettre du 4 juillet 1915 sera développée ensuite lorsqu’il sera dans la Somme et sur les conseils avisés de son épouse, confidente, âme-soeur passionnée de littérature.

Dans cette correspondance de 2500 lettres, conservées à l’Historial de le Grande Guerre de Péronne, le couple aborde quotidiennement l’intime, le tragique et l’ordinaire, s’afforçant de renouveler chaque jour ce rituel d’amour et de partage. Pour elle, ce sont les faits de la vie domestique, avec ce qui se raporte à la naissance d’un enfant en mai 1917, mais surtout les encouragements à écrire, rassurer, espérer. Pour lui, raconter les souffrances de ses blessés, le tragique et l’ordinaire, transmettre ses notes en vue d’une publication. Vie des martyrs, publié dès début 1917, est couronné de succès et l’amène à poursuivre pour dépasser les horreurs rencontrées.

L’achat de la flûte fin 1915 permit à Georges Duhamel de surmonter l’”enfer insupportable, une vie de forçat dans la sueur et le sang” (21 juin 1916). Cet objet ainsi que sa malle d’officier et une partition manuscrite sont exposés dans le musée, rappelant combien écriture, musique et amour furent une consolation pour cet écrivain en guerre, bouleversé par la souffrance de ceux qu’il tenta de soulager et de sauver de l’oubli.

 

“Nous travaillons sans arrêt, c’est un enfer insupportable, une vie de forçats, dans la sueur et le sang. Enfin, patience ! Patience !”
Lettre de Georges Duhamel à Blanche, 24 juin 1917.

“Le vrai, c’est qu’il n’y a de progrès et de civilisation que dans l’ordre moral. Il n’y a de civilisation que celle qui tend au bonheur, et celle-là se passe aussi bien des chemins de fer que des aéroplanes et des canons de 420…”
Lettre de Georges à Blanche , 4 juillet 1915.