Né le 23 avril 1853 dans une famille de cultivateurs de Vieux-Berquin, village de Flandre française, Jules Lemire devient orphelin de mère à l’âge de 8 ans et est élevé par deux tantes très pieuses. Ce brillant élève est repéré par le curé du village qui l’envoie étudier au collège privé d’Hazebrouck, le chef-lieu d’arrondissement. Sitôt le baccalauréat obtenu, en 1872, Jules Lemire entre au séminaire de Cambrai. Il est ordonné prêtre en 1878 et est nommé professeur à Hazebrouck, dans l’établissement où il a fait ses études. Il y enseignera durant quinze ans.

C’est à cette époque qu’il publie plusieurs livres dans lesquels il traite d’idées religieuses et sociales, de voyages, d’histoire locale… Il tient également un journal intime, entamé en 1875 et qu’il ne cessera jamais d’alimenter. L’ensemble, constitué de quarante-huit cahiers couverts d’une écriture serrée, est parvenu jusqu’à nous et a été partiellement édité en 2013.

L’abbé Lemire, initialement nourri des idées légitimistes dans lesquelles baigne une grande partie du clergé, s’en détache insensiblement pour s’ouvrir aux préoccupations sociales. Lui-même issu d’un milieu modeste, il comprend l’humble, l’ouvrier, l’exploité. Autant dire que les encycliques du pape Léon XIII sur la condition des ouvriers (1891) et sur le ralliement à la République (1892) ont chez lui une résonance particulière.

Il se présente aux législatives à Hazebrouck en 1893 en se plaçant sur le terrain de l’acceptation loyale de la République. Il triomphe du député sortant, un notable septuagénaire, et entame une carrière parlementaire qui durera jusqu’à son décès, le 7 mars 1928.

L’activité de l’abbé Lemire à la Chambre sera d’une densité prodigieuse, particulièrement dans le champ social. Ses idées vont souvent à contre-courant de celles d’un clergé majoritairement hostile à une République qui, il est vrai, a souvent fait de l’anticléricalisme son cheval de bataille. En 1914, sommé par son évêque de ne plus se présenter, il tient tête et est suspendu de ses fonctions sacerdotales (la sanction sera levée en 1916) ; cela ne l’empêche pas d’être élu député pour la sixième fois, puis maire d’Hazebrouck, un mandat qu’il conservera également jusqu’à sa mort.